El libro de las listas

listasLa semana pasada  la revista el País publicaba un artículo de Jenni Moix que se titulaba : «Formas peligrosas de ver la vida». En ella comenta que las metáforas con las que describimos nuestra existencia terminan determinando la manera en la que la vivimos.

Me llamó la atención que una metáfora frecuente es la de ver la vida como una serie de carpetas para cerrar. La vida como una lista de tareas a tachar. Escribimos listas y nos sentimos realizados al ir tachando los trabajos realizados.

Pocos días después, en el avión que me llevaba a Ginebra, la persona que tenía al lado de mi asiento era un joven hombre que pasó la hora y media de viaje … tachando tareas de una lista.

En el vuelo de regreso y gracias a la circularidad de la vida, me encontré con esta critica literaria publicada en el periódico suizo «Le Temps». El libro en cuestión: «Encyclopedie capriciuse du tout et du rien». Un libro… de listas!!

Se los copio en su idioma original.

 
Lieux, peuples, gens, choses du monde, de la vie et de la mort…
Par Isabelle Martin

Essai, Le Temps, Samedí culturel,  samedi17 janvier 2009

Intéresser et divertir tout au long de 800 pages comptant 160 listes sans parler de nombreuses sous-listes. Tel est le nouvel exploit de Charles Dantzig, qui dresse ses inventaires selon son bon plaisir.


Genre: Essai
Réalisateurs: Charles Dantzig
Titre: Encyclopédie capricieuse du tout et du rien
Studio: Grasset, 794 p.

Sei Shônagon, dame de cour japonaise qui rédige au XIe siècleses célèbres «Notes de chevet», modèle littéraire de la formeancienne des listes, qui inspire aujourd’hui Charles Dantzig.Après le monumental Dictionnaire égoïste de la littérature française (Grasset, 2005), voici l’Encyclopédie capricieuse du tout et du rien qui fait de Charles Dantzig un athlète de la littérature, avec 1800 pages, allègres qui plus est, publiées en trois ans – mais une note de bas de page date son premier projet de mai 2000. Ce nouveau livre renoue avec la forme ancienne des listes, apparue pour la première fois dans les Notes du Chinois Li Yi-chan (813-858), et reprise au XIe siècle dans les célèbres Notes de chevet de la Japonaise Sei Shônagon; le Romain Elien, dont l’Histoire variée est plutôt une suite d’anecdotes, de réflexions et de bons mots écrite en grec, est avec eux le troisième dédicataire que l’auteur convie à suivre, «l’œil moqueur, me protégeant d’ombrelles en papier ciré».
Tout le monde fait des listes, et de tout. Pour qu’elles deviennent une forme de littérature, il convient de créer ses propres catégories en fonction de sa sensibilité, et de les affiner en les variant. Sous la plume vive et passionnée de Dantzig voici donc les lieux, les peuples, les gens et les choses du monde, de la vie et de la mort ordonnés en plus de 160 listes, sans compter de nombreuses sous-listes. L’avantage est qu’elles sont toujours incomplètes et que chacun est tenté de les combler, de sorte que «le lecteur de listes est le plus écrivain de tous les lecteurs».
Les plus surprenantes? La liste des petits pans de mur moches qui ne compte qu’un seul exemple, pour cause de notes perdues… Celle des défauts de prononciation (Zola zozotant) ou des poèmes finissant par du noir, comme ce dernier vers d’une suite de quatrains de Jacques de Constant: «Je veux choisir la mort, la nuit, l’hiver, le noir.» Ou encore celle des femmes comme on en voudrait dans sa famille (où figure la mère de Martin Scorsese, occasion d’apprendre que pour l’auteur, «une femme qui me fait rire, je fonds»). Car un des ressorts de l’ouvrage est de parler d’autre chose que de la chose annoncée, ainsi des chats de Mallarmé et des poules de Mal¬raux à propos de Versailles, dans la liste des beaux jardins. Celle des animaux d’écrivains permet d’évoquer une des plus drôles critiques littéraires que connaisse l’auteur, où l’on voit la chienne de Léautaud dévorer (au sens propre) les Ballades de Paul Fort.
D’un homme qui passe son temps à lire et à écrire, et qui n’est jamais sorti de chez lui sans un livre, on ne s’étonne pas que presque tout le ramène à la littérature. Ainsi donne-t-il un supplément à son Dictionnaire égoïste avec de nouvelles et brillantes pages sur Proust («une libellule qui soulève des poids de cent kilos») ou sur Pascal («ses jugements hautains font un bruit froissé d’ailes dans le ciel»). S’il célèbre certains écrivains (Du Bellay, Fitzgerald), il en démolit d’autres, de Duras («tête à claques») et Cioran (qui a «l’esthétisme du chichi») à George Steiner, ce «pékinois qui jappe au pied des statues des grands hommes». Avec son sens de la formule qui fait mouche – ainsi lorsqu’il constate que c’est le chic qui sauve Antonioni de la banalité («on dirait du Nous Deux sous la couverture de Vogue») –, il a plaisir à signaler la publicité d’un antiquaire qui a un concurrent de l’autre côté de la Nationale 7 et qui affiche: «Mieux qu’en face».
On voit que l’auteur se soucie des petites comme des grandes choses du monde, celles qu’il aime (les villes, l’Angleterre, les Italiens, la couleur café au lait très clair associée avec du noir, l’irrespect, les musées où il n’y a pas que des chefs-d’œuvre, les piscines) comme celles qu’il déteste (la campagne, les petites fleurs, les tenues de jogging, le mauvais théâtre, l’ignoble force). De l’enthousiasme, «ce transport vers les dieux», il passe souvent à l’ennui, deux mots à l’occurrence fréquente qui le résument. Car cette encyclopédie est aussi un autoportrait par petites touches et pas seulement dans les confidences parfois douloureuses de sa dernière partie. Et puisqu’on pardonne tout à un homme qui aime autant l’Italie, on oubliera vite ses clichés sur la presse et sa minuscule erreur sur l’absence de rue Garibaldi à Venise (il en existe deux, via et viale). Le lecteur suisse y ajouterait volontiers les questionnaires sur l’argent, les femmes, l’espoir, l’amitié du Journal de Frisch.