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Me enteré a través de un email que recibí desde NYC de la pérdida irreparable de la gran cantante Montserrat Figueras. Me volqué al internet para buscar más información. Para mi sorpresa, los medios digitalizados españoles repetían a modo de “cortar y pegar” una información insulsa y poco relevante. Una mera participación del hecho. El único reducto lo hallé en Catalunya Música (http://www.facebook.com/catmusica).
Decidí escuchar el telediario de TVE de la noche del suceso y encontré un pequeño cintillo en la base de la pantalla, a modo de ticker, que notificaba el evento. Al día siguiente, TVE dedicó más del 60% de su primer noticiero del día al IBEX, un 10% a la visita de la realeza Española a Chile (donde fueron a patrocinar, entre otras, la cultura ibérica); 30% al futbol y cerraron el programa con imágenes de Freddy Mercury. Este mismo canal dedicó el último fin de semana de Octubre, durante su noticiero, una reseña a una importante casa de subastas extranjera y mencionaba que este año los compradores de las pinturas más importantes eran los capitales latinoamericanos, rusos y asiáticos. Agregaba la comentarista, en un ataque de hybris, que “ …habría que ver si serían estos compradores capaces de apreciar lo que estaban adquiriendo”.
Las líneas más hermosas y merecidas dedicadas a la universal Montserrat están en periódicos latinoamericanos y hoy en Le Monde. No pueden faltar en describirla palabras como dulzura y profesionalidad.
Mi amor por la música antigua tiene nombre y apellido: Montserrat Figueras y Jordi Savall. Figueras es una artista que deja huellas profundas. Fue una mujer que transmitió paz. Flotaba en los escenarios con su figura etérea; siempre sonriente, logró combinar con sabiduría una vida profesional y privada llena de éxitos, una artista sin edad que nos acercó con su canto a un mundo antiguo e intangible, permitiendo que nos coláramos por las rendijas de claustros medievales, en celdas olvidadas de monjas, a través de pequeñas ventanas románicas, siempre guiados por aquella voz tan suya, tan dulce, abrigados y protegidos por su aura de madre universal.
Nos dejó al día siguiente de Santa Cecilia, como si ésta la retuviera por unos minutos más, dejando que partiera un día que prefiero no recordar.
A nuestra gran sibila , requiescat in pace.
Montserrat Figueras, voix éteinte de la mélancolie
Nécrologie | | 24.11.11 | 14h36
Le Monde
Il est des formules qui peuvent paraître creuses, surtout au moment que l’on dresse le bilan d’une vie et d’une oeuvre. Mais la soprano espagnole Montserrat Figueras, qui vient de mourir, mercredi 23 novembre, à Barcelone, était une femme d’une noblesse et d’une élégance morales et artistiques uniques, qualités qu’elle partageait avec son époux et partenaire musical, le gambiste et chef d’orchestre Jordi Savall.Elle avait gardé, à presque 70 ans, une beauté juvénile et racée : une longue chevelure de jais, un regard vrai et beau, un port, une allure qui la rendaient aussi intimidante – noblesse oblige – qu’approchable. Pour tous ceux qui la connaissaient un peu, elle était «Montsé», affable, souriante et compassionnelle.Et si la vie lui avait donné quelques rides qu’elle portait fièrement et bellement ; et la maladie – qu’elle a tenue secrète – un dessin un rien anguleux à l’ossature de son beau visage, la Catalane aura continué de chanter jusqu’à quelques semaines du point final que le cancer aura mis à sa vie.
Son dernier concert, en France, aura été donné à Conques (Aude), cet été. A Narbonne, quelques jours plus tôt, elle présentait son ultime programme, attendu par le public fervent et fourni de l’abbaye de Fontfroide où, depuis six ans, Montserrat Figueras et son époux organisaient une série annuelle de concerts estivaux. Ce dernier programme, qu’elle devait enregistrer dans la foulée, s’intitulait, par une coïncidence qu’on ne peut croire fortuite, «Les cycles de la vie». Mais les dernières semaines de lutte contre la maladie la contraignirent à rester à Barcelone, sa ville natale, et à renoncer à ses derniers engagements et projets.
La dernière fois qu’on aura entendu Montserrat Figueras fut à Paris, début juin, dans le cadre merveilleux du palais de Béhague, où est sise l’ambassade de Roumanie. Dans la salle byzantine de ce lieu méconnu, la soprano semblait dans une forme époustouflante. On se souvient avoir pensé, en l’entendant dans l’acoustique un peu large de cet édifice, à la définition de la musique que livrait joliment le compositeur Ferruccio Busoni : «De l’air sonore».
Car la voix de Montserrat Figueras était comme une coloration, une mise en vibration du silence. Elle n’avait pas un timbre et une technique de «cantatrice», dans l’acception la plus courante du terme : le son, sans vibrato, n’était pas large mais portait loin, fendant d’un trait lisse et net les vastes acoustiques. Et ce timbre si mélancolique et feulant, reconnaissable entre tous, semblait glisser sur le silence.
On va oser une image oléagineuse qui l’aurait sûrement fait rire de ce rire cristallin qu’elle avait au bord des lèvres : sa voix était une première pression à froid de soprano, florale, épicée mais souple et onctueuse. Au fil des ans, Montserrat Figueras devait conserver les mêmes qualités de couleur, de tenue et, surtout, de charme. Rappelant, car elle en était l’incarnation duelle, que la racine latine du mot «carmen» signifie tout autant «charme» que «chant».
Montserrat Figueras, née le 15 mars 1942 à Barcelone, fait des études de chant et de théâtre dans sa ville natale. Elle fréquente le groupe barcelonais de musique ancienne Ars Musicae et y rencontre celui qui, en 1968, va devenir son mari. Jordi Savall, violoncelliste de formation, découvrait la viole de gambe, pour laquelle tant de compositeurs écrivirent d’immenses chefs-d’oeuvre avant que le violoncelle ne la supplante définitivement, au XVIIIe siècle. Il allait en devenir le meilleur et le plus inspiré des interprètes.
La même année que leur mariage, les jeunes musiciens quittent l’Espagne, où aucune structure ne leur permet de professionnaliser leur pratique de la musique ancienne et s’installent à Bâle, où se trouve la Schola Cantorum, un institut pédagogique pour la musique ancienne d’une haute réputation, fondée en 1933 par le mécène et chef d’orchestre Paul Sacher. Montserrat y travaille avec les chanteurs Kurt Widmer – pour la musique baroque -, Andrea von Ramm et Thomas Binkley – pour la musique du Moyen Age, un répertoire qui occupera beaucoup la soprano tout au long de sa carrière.
Avec la collaboration de quelques autres musiciens, Montserrat Figueras et Jordi Savall fondent en 1974 l’ensemble Hesperion XX (qui prendra évidemment, au tournant du XXIe siècle, le nom d’Hesperion XXI) puis La Capella Reial de Catalunya, et, enfin, l’orchestre Le Concert des nations.
Le monde entier les applaudit, et surtout l’Europe, qui voit enfin l’arrivée heureuse des musiciens méditerranéens dans un milieu musical où, pour la musique ancienne, les Anglais et les Hollandais, puis les Allemands et les Français, tenaient, parfois un peu froidement, le haut du pavé.
Le travail le plus marquant qu’effectue Hesperion est de faire se croiser, en un creuset ô combien fructueux, les traditions multiples des musiques du bassin méditerranéen. Ils chanteront les «goûts réunis» et bien davantage, assurant avec un naturel parfait la présentation d’artistes aux origines et aux confessions diverses, juifs, Arabes, chrétiens. Leurs grands programmes épiques (tel Jérusalem, la Ville des deux paix en 2008), enregistrés pour leur propre label discographique, Alia Vox, étaient l’occasion de fêtes sonores extraordinaires, où l’on entendait se succéder une cantillation hébraïque, une mélopée arabo-andalouse ou un chant chrétien.
Ce farouche dessein multiculturel, Jordi Savall et Montserrat Figeras l’auront accompli au-delà de la musique, acceptant, fin 2007, le rôle d'»Artistes pour la paix» dans le cadre des «Ambassadeurs de bonne volonté» de l’Unesco et sous-titrant bientôt les programmes de Fontfroide, l’été, «Pour un dialogue interculturel». Ces deux êtres à la gravité chevillée à l’âme auront toujours pris très au sérieux cette mission, invitant des artistes et des intellectuels au dialogue.
Au sein de leur famille, la musique régnait naturellement : les deux enfants du couple, Arianna et Ferran, sont deux beaux musiciens eux aussi. Arianna, soprano et harpiste, a la voix, presque identique, de sa mère ; Ferran, guitariste et chanteur, a quelque chose de la grâce virile de son père.
Le regard que portaient Montserrat et son époux l’un sur l’autre, pendant les concerts, était toujours saisissant. On en avait été frappé, plus que jamais, au palais de Béhague, en juin, sans rien savoir des raisons pour lesquelles le gambiste regardait et écoutait avec tant de tendresse admirative son épouse. Nul doute que, alors, il admirait aussi la beauté de son courage.
Renaud Machart